«Mon parcours et ma carrière, tout a été un combat » – Évelyne Beaudin

« Je ne pensais jamais qu’être mairesse allait être si différent par rapport au rôle de conseillère ». Cette phrase a résonné dans la petite salle de conférence. Assise dans un siège en bois massif, Évelyne Beaudin s’est livrée à un long entretien pour une première fois depuis son arrêt de travail qui aura duré trois mois. 

«Comment allez-vous ? » Cette question a été mûrement réfléchie par cette dernière avant de se lancer.  

«L’honnêteté est une valeur hyper importante pour moi, mais c’est la seule question que je me réserve le droit, parfois, de ne pas toujours dire la vérité», mentionne la politicienne de 35 ans.

Mme Beaudin ne se cache pas derrière une façade;cette pause était nécessaire. Elle constate après coup que c’était une accumulation des dernières années. 

«Devenir mairesse n’est pas quelque chose qui est arrivée du jour au lendemain. Dans mon parcours et ma carrière, tout a été un combat. Cela a commencé comme citoyenne et comme conseillère. Ç’a prit un délai avant que je me rende compte de l’impact que cela eu sur ma personne d’être seule contre 14 pendant quatre ans [en faisait référence au précédent mandat], constate-t-elle. Tu as un objectif, tu as des personnes qui comptent sur toi. Il y a cette espèce de pression de performer qui existe. À un moment donné, tu commences à t’oublier là-dedans.»

Mme Beaudin a réalisé qu’elle avait une relation malsaine avec le temps.

«Ta relation avec le temps devient l’enjeu #1. Pour rester sain mentalement dans la vie, tu as besoin de perdre quelques minutes par jour en ne faisant rien. Chaque journée, chaque heure, chaque minute compte, mais tu dois accepter qu’à travers de ça, si tu ne prends pas de temps pour toi. Tu vas juste être ko, même si ton temps est compté», déclare-t-elle. 

La démocratie locale 

Toujours dans le calme, Mme Beaudin, en observant les statistiques de démissions d’élus partout au Québec, s’inquiète pour le futur de la démocratie locale. La politique est-elle ingrate ?  La mairesse n’a pas voulu viser les citoyens en mentionnant qu’elle vivait bien avec les critiques des citoyens qui ne l’aiment pas. Selon elle, la problématique est «structurelle».

«Ce n’est que la pointe de l’iceberg… Je trouve que le problème est plus grand que ça. Moi, je le sens beaucoup plus à l’interne du conseil municipal. Il faut que vous pensiez que c’est vraiment bizarre comme environnement de travail.Habituellement, la plupart des collègues dans les milieux de travail ne sont pas des gens qui essayent de s’entretuer. En politique, tu côtoies au quotidien des gens qui essayent de t’éliminer.» 

Elle se dit compréhensive envers ceux qui décident de quitter leur poste. 

« Moi, je les comprends les maires qui quittent dans les petites villes, avec des salaires médiocres. C’est un gros problème démocratique si les personnes bien intentionnées qui veulent apporter du changement nécessaire s’en vont parce que les autres en font juste assez pour rendre leur vie pénible et qu’elles ne soient plus capables.»

Un mi-mandat dans l’hostilité

Bien qu’elle tente d’être optimiste pour les deux prochaines années du mandat , Mme Beaudin ne souhaite pas mettre de lunettes roses, elle s’attend à ce que ce ne soit pas facile. 

«Si le passé est garant de l’avenir, plus on approche d’une échéance électorale, plus les tensions augumentent et plus les hostilités se multiplient. J’ai été témoin de beaucoup d’hostilité en deux ans». 

Elle considère également que certains préparent les prochaines élections.

«Actuellement, certains ne font que s’opposer. Plus on fait des changements en profondeur et structurants, plus ils s’opposent. Ce n’est pas vrai qu’ils sont tous de bonne foi, il y a des personnes qui prétendent être de bonne foi, mais qui sont la recherche de points politiques dans le but d’un positionnement pour la prochaine élection.»