Un métier d’ombre et de lumière

PORTRAIT. Marie-Pierre Bouchard est devenue « naturellement » thanatologue, un métier qui se prête à la fois aux rôles de « scientifiques » et de « pilier solide ».

C’est à la mi-trentaine que la vie a mis cette carrière sur son chemin. « Plusieurs années après avoir exercé un autre métier, déménagé et m’être trouvée une nouvelle maison avec trois jeunes enfants. J’ai loué au village où j’ai grandi, la maison qui appartenait à l’embaumeur du village », raconte Marie-Pierre Bouchard, directrice des activités funèbres et du cimetière à la Coopérative funéraire de l’Estrie depuis huit ans.

La maison était située en arrière de son salon funéraire qui avait également une petite quincaillerie pour « arrondir les fins de mois ». Elle travaillait avec lui dans ce côté de boutique, jusqu’à ce qu’il lui tende la perche pour qu’elle l’aide au salon funéraire avec la clientèle. Elle n’a cependant pas touché au processus d’embaumement avant d’être diplômée en techniques de thanatologie.

« Un jour je lui ai dit, quand la plus jeune de mes cinq enfants sera prête à rentrer à la maternelle, je retourne à l’école pour faire ce métier-là, à l’âge de 33 ans », raconte Mme Bouchard qui mijote cette idée de carrière depuis l’adolescence.

« Cet homme a marqué ma vie, parce qu’il m’a pris sous son aile avec patience et délicatesse. J’avais le goût de faire cette profession-là, mais aimer le métier et mon prochain je l’ai appris avec lui », explique la mère de famille en soulignant que cet ami est encore dans sa vie.

Mme Bouchard a enfilé le sarrau et les gants pour faire de l’embaumement de 2001 à 2015 dans diverses entreprises funéraires, dont celle de son ami. « Par mon bagage de gestionnaire et de laboratoire, je suis capable d’expliquer aux familles le comment et le pourquoi de nos procédures », précise la femme qui cumule plus de 20 ans d’expérience dans le domaine funéraire.

« Un petit côté scientifique »

Un thanatologue a les connaissances et les habiletés pour prendre un corps en charge, « du moment de l’appel du décès par la famille jusqu’à la mise en terre ou au columbarium ».

Il est formé pour recevoir l’appel de la famille, les sécuriser et les accompagner dans cette situation « forte en émotions ». Selon la liste de tâches des thanatologues et des entreprises, les embaumeurs seront appelés à être polyvalents. Certains feront les transports des dépouilles, seront techniciens au four crématoire et s’occuperont également des arrangements funéraires. Dans le cas de la Coopérative funéraire de l’Estrie, les tâches sont divisées par département.

« Pour aimer le métier, il faut avoir un petit côté scientifique et être intéressé par le volet anatomique du corps humain. Il faut avoir envie d’apprendre comment le corps fonctionne et être à l’aise de travailler avec un corps sans vie », partage Mme Bouchard.

« L’intérêt majeur qu’on a lorsqu’on pratique un embaumement, c’est qu’on va permettre à une famille de dire un dernier adieu, c’est souvent notre motivation. Le thanatologue aide dans le processus de deuil », indique-t-elle.

Ce milieu apporte une certaine « charge émotive » à laquelle les thanatopracteurs et autres membres du personnel doivent faire face au quotidien. « On ne se détache pas complètement, je crois qu’on le vit, mais de l’intérieur. On ne devient jamais insensible. Même si on en voit tous les jours, on comprend que chaque cas est unique et que chaque famille vit ça pour la première fois », explique la directrice des activités funéraires.

« C’est ça notre paie au bout du compte. En peu de temps, tu as l’impression de connaître les gens depuis des années. Je nous trouve vraiment privilégiés et chanceux de pouvoir être là pour les familles. On ne peut pas prendre leur peine, mais on peut être un bon pilier solide à leurs côtés », conclut-elle.