Déconstruire notre perception de la pauvreté
CULTURE. Le Musée de la Nature et des sciences de Sherbrooke (MNS2) invite la population à redéfinir son rapport à la pauvreté par la présentation d’une exposition où recherche scientifique et conditions de vie se côtoient.
Bien que le Québec ait construit un filet social depuis la Révolution tranquille, force est d’admettre qu’il existe toujours des classes économiques bien distinctes entre les citoyens. Avec l’exposition NOUS : Portraits de l’assistance sociale, le MNS2 offre une incursion saisissante dans la réalité des personnes prestataires de l’aide sociale. Habituellement tourné vers les sciences pures et appliquées, c’est la première fois que le musée présente une exposition émanant des sciences sociales.
« On dit qu’elle est hors normes, mais cette expo est bien scientifique! Elle s’ancre sur une étude sérieuse qui se veut objective au niveau statistique et avec les données probantes qui permettent de démystifier ce que l’on connaît de l’assistance sociale », explique le directeur du MNS2, Raphaël Bédard-Chartrand.
« Qu’est-ce qui touche mieux encore que des témoignages comme ceux qui sont présentés à l’intérieur de l’exposition? Tout le monde a une opinion ou un avis sur la question, mais qui connait réellement la réalité de l’intérieur? », questionne celui-ci.
POUR VOIR AU-DELÀ DE NOS PRÉJUGÉS
NOUS: Portraits de l’assistance sociale allie photographies et des témoignages, avec les constats d’une vaste recherche universitaire. L’histoire et la nature des programmes d’assistance sociale au Québec y est aussi relatée. Dès que le visiteur pénètre dans la salle, ce sont les photos et les images fortes qui attirent le regard. Sans tomber dans le misérabilisme, la situation des personnes vivant dans la pauvreté est présentée de façon digne, mais crue. Soutenues par des données et des statistiques précises, chaque montage ou présentoir démontre la résilience et la débrouillardise dont les prestataires doivent faire preuve tous les jours.
En cette période difficile économiquement, le choix de montrer et démontrer les impacts de la pauvreté n’est pas anodin. Le sujet a vivement intéressé Normand Landry, Ph.D. Professeur au Département Sciences humaines, Lettres et Communication de l’Université TÉLUQ et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en éducation aux médias et droits humains. L’auteur de la vaste étude derrière l’exposition s’est dit surpris par le manque de connaissances sur le sujet.
« D’apprendre que le principal vecteur de discrimination au Québec était la condition sociale, alors qu’on parle d’autres choses comme celle sur le genre, l’orientation sexuelle ou de l’origine ethnoculturelle. Les personnes sur l’assistance sociale forment le groupe faisant l’objet des représentations les plus négatives dans notre société; ça m’a pris de court », se remémore celui-ci.
L’homme a vite constaté que très peu de littérature scientifique existait pour expliquer pourquoi cette perception était si répandue. « Au fil de nos découvertes, on s’est aperçu qu’il y avait un manque flagrant de visibilité publique pour qu’on en parle; à la fois dans les milieux universitaires, dans les médias mais aussi dans l’opinion publique. Ce travail sert à donner de la visibilité à un enjeux qui concerne des centaines de milliers de Québécois », fait-il valoir.
DES DONNÉES QUI AIDENT À LA COMPRÉHENSION
Cette aide dite » de dernier recours « , les prestations monétaires distribuées aux personnes dans le besoin, sont présentement réévaluées par le gouvernement Québécois. Bien que la recherche sur le sujet indique clairement que les prestataires sont confinés dans un statut précaire, il semble que les parlementaires n’aient pas démontré un intérêt particulier pour en apprendre plus, aux dires du chercheur.
M. Landry déplore que les politiques soient encore pensées en fonction de leur popularité auprès de l’électorat et non en fonction du bien-être de l’ensemble des citoyens.
« On a des politiques qui sont par leur nature punitives; et les Québécois soutiennent la punition financière des personnes assistées sociales. On veut les punir de ne pas travailler, de ne pas contribuer à l’effort collectif en payant des taxes et des impôts. Dans ce contexte, les réformes de politique publique seraient très impopulaires si elles visaient à être plus généreuses ».
Par cette exposition, le chercheur démontre que cette vision est contre-productive et que dans les faits, elle coûte beaucoup plus cher en services sociaux et en cohésion sociale au bout du compte.
PLUSIEURS ACTIVITÉS EN COMPLÉMENT
Normand Landry offrira d’ailleurs une conférence au musée, afin d’expliquer sa démarche scientifique et proposer des pistes de solution novatrices et porteuses de progrès, le 28 janvier prochain.
Le MNS2 bonifie aussi son offre avec des activités en lien avec l’exposition. Les intéressés auront droit à des visites commentées de l’exposition Nous, les dimanches 5 janvier et 2 février. Un programme double avec une visite de l’expo NOUS suivi de la présentation du documentaire « Le bien-être » du réalisateur sherbrookois Jean-Sébastien Dutil, à la Maison du cinéma, le samedi 18 janvier, 13h00.
Toutes les informations sur l’exposition NOUS: Portraits de l’assistance sociale se trouvent sur le site du MNS2.