Délaisser l’enseignement pour le salon de coiffure

ÉDUCATION. Que faire lorsque le métier d’une personne, malgré les avantages qu’il apporte et la passion qu’il suscite, l’empêche d’être elle-même ? Des questionnements qui, lorsqu’ils émergent, peuvent changer la trajectoire professionnelle et amener une réorientation de carrière. C’est ce qui est arrivé à Virginie Plasse, récemment diplômée en coiffure du Centre -24-juin.

Comme sa mère, le rêve d’enseigner de Virginie s’est réalisé selon ses plans ; un poste permanent, des avantages sociaux, une paye stable et des vacances à tous les étés. Un travail gratifiant à plusieurs niveaux, mais qui peut devenir aliénant lorsque l’on est constamment obligé de se conformer à un cadre rigide. Son look a d’ailleurs failli lui coûter un stage dans une école en fin de Bac.

« Le meilleur exemple que je peux donner, c’est le code vestimentaire. Depuis que je suis élève que j’ai des problèmes avec ce code. Je ne comprends pas pourquoi je n’ai pas le droit d’avoir certaines couleurs de cheveux ou de porter tel type de vêtement. Pour moi, ça ne fait pas de sens d’avoir à gérer des choses qui sont moins importantes que la substance de ce que je dis ».

Une dizaine d’années de pratique et un épuisement professionnel plus tard, Virginie se pensait mûre pour un changement. Son désir de liberté dans le travail a été le moteur de ce virage en 2023. Après avoir exploré différentes options de carrière comme l’aménagement paysager ou un métier dans la construction, le DEP en coiffure s’est avéré être tout désigné pour elle.

UN RETOUR SUR LES BANCS D’ÉCOLE

« J’ai décidé de me réorienter vers quelque chose de plus manuel et créatif, mais qui serait aussi plus flexible et plus proche de mes valeurs. J’aime l’authenticité, le respect et je trouvais que la coiffure offre un beau moment avec ton client. C’est un échange où on est plus vulnérable alors que c’est quelque chose que je ne me permettais pas en milieu scolaire », explique l’artiste en soins capillaires.

Ayant l’expérience de nombreuses rentrées scolaires à son actif, son retour sur les bancs d’école s’est somme toute bien passé. La crainte de voir son épuisement reprendre le dessus s’est rapidement volatilisée après quelques heures de cours. La soif d’apprendre de Virginie Plasse demeure intacte et intrinsèque à sa personne. Bien qu’enseigner lui manque, ce n’est pas le cas pour ce qui est de travailler dans le milieu de l’éducation.

« Suite à ma première journée de DEP, j’ai su que je ne retournerais pas tout de suite derrière un pupitre d’enseignant. Je voulais aller jusqu’au bout. Ça ne veut pas dire que je n’enseignerai plus jamais. Je pense que je vais toujours vouloir partager mes connaissances ; je vais juste le faire différemment ».

Virginie a déjà des idées à ce sujet puisqu’elle s’est tournée vers une spécialisation peu offerte dans les salons de Sherbrooke : les cheveux frisés. Avec l’expérience, il serait possible de développer différentes formations pour les professionnels comme : les types de produits à utiliser, comment soigner et couper le cheveux par exemple. S’identifiant non-binaire, l’espace dans lequel la clientèle est accueillie fait également partie des pistes de réflexion à aborder avec des entrepreneurs.

« Faire des formations où l’on créer des espaces plus inclusifs. Je reçois mes clients dans un salon qui se décrit comme un safe-space présentement, où les personnes qui sont de la communauté LGBTQIA+ peuvent venir sans avoir peur de parler de leur réalité, de leur transition ou de leur partenaire ». La coiffeuse ajoute qu’il s’agit parfois de faire une coupe de cheveux plus masculine pour des femmes qui le désirent ou de donner une l’allure voulue à une personne qui transitionne.

Les personnes neuro-divergentes représentent une autre clientèle qui a des besoins très particuliers et vers laquelle Virginie Plasse croit qu’un service adapté aurait avantage à être développé.

« Je crois que ça serait fantastique de pouvoir faire des partenariats avec différents organismes et offrir des ateliers de désensibilisation aux outils de coiffure. Je vois beaucoup de jeunes enfants ou des adultes qui ont besoin d’un lieu plus calme, sans les grosse lumières ou la musique à fond. Certains ne sont pas à l’aise de se faire toucher les cheveux, alors arriver à obtenir leur consentement n’est pas toujours facile », fait remarquer la coiffeuse.

REDONNER LA CONFIANCE EN SOI

Tous ces éléments combinés apportent un enthousiasme et une grande satisfaction à la nouvelle diplômée de l’école 24-juin. « Une autre chose que j’aime de la coiffure c’est que j’ai l’opportunité de redonner confiance à une personne. C’est le même genre de déclic que lorsqu’un élève comprenait ce que je venait de lui expliquer à l’école. De voir que la personne aime ce que j’ai fait et l’expression dans ses yeux ; c’est de la magie capillaire ».

Après avoir gradué, Virginie Plasse s’est rapidement trouvée un endroit où installer sa « chaise » pour entreprendre ce nouveau chapitre. Elle a été invitée à offrir ses services aux côtés d’une autre « reconvertie » à la coiffure, dans un local coloré et sans prétention.

C’est maintenant au salon Pastel, rue Belvédère sud que les mèches, ongles et personnes se font transformer par sa touche bien personnelle. « On a de belles personnes qui viennent se faire coiffer ici. Je n’ai aucun regrets et c’est vraiment un très beau métier. Je sais que je vais continuer de m’épanouir tout en restant moi-même », termine Virginie avec un large sourire.

Son diplôme lui a officiellement été remis lors de la collation des grades de l’école de formation professionnelle 24-juin, le 25 octobre dernier.