Des Sherbrookois d’adoption font fi des préjugés

ENTREPRENEURIAT. Démarrer son entreprise est déjà complexe, mais de le faire alors que l’on est en situation de handicap, cela relève presque de l’exploit. C’est pourtant l’aventure dans laquelle se sont lancés deux Sherbrookois d’adoption.

Originaires du Burkina Faso, les partenaires Alain Simande Zongo et Basile Nambia Soulama ont partagé un parcours hors-normes avant leur arrivée en sol québécois, il y a une quinzaine d’années. Tous deux affligés par la poliomyélite enfants, ils ont fait face à l’adversité avec courage et détermination.

Les deux hommes ont grandi ensemble, dans un pays où les préjugés en lien avec les handicaps physiques sont un frein à l’émancipation de ceux qui en sont affectés est presque nulle. Malgré ces obstacles, ils ont trouvé des façons de contourner les écueils pour accomplir, ce qui semblait impossible aux yeux de plusieurs. Ces deux amis sont même devenus co-équipiers dans l’équipe nationale de basketball en chaise roulante du Burkina Faso. Leurs carrières d’athlètes respectives se sont poursuivies une fois installés au Québec dans certaines disciplines de para athlétisme.

Saisir l’opportunité au bon moment

Alain et Basile sont autodidactes par la force des choses, puisqu’on ne croyait pas en leur chance de devenir autonomes un jour. Ils ont donc appris leur métier par leurs propres moyens. Ils ont acquis de précieuses connaissances dans la réparation d’engins électroniques et en mécanique. Leur débrouillardise, leur ténacité mais aussi leur expérience dans la gestion de leurs entreprises respectives acquise au Burkina Faso, ont été des éléments essentiels pour intégrer le marché du travail québécois.

À l’emploi de Physipro depuis une quinzaine d’années, MM. Zongo et Soulama, ont identifiés certains besoins que plusieurs entreprises de la région n’arrivaient pas à combler pendant la pandémie. Est alors née l’idée de fonder Zs Solution Assemblage, qui offrirait un service de pré assemblage de pièces et de mécanismes industriels pour fauteuils roulants mais aussi leur réparation et celle de vélos.

« Le marché était là, mais il n’y avait pas de main-d’œuvre. On a vu la direction de Physipro à la recherche de solutions pour pouvoir y répondre, et même parler d’utiliser de la sous-traitance. On s’est dit que s’était le moment de saisir cette opportunité pour lancer notre affaire », raconte Alain.

Afin d’y arriver, les deux complices ont suivi une formation et obtenu de l’accompagnement dans les nombreuses démarches impliquant le démarrage d’entreprise.

Ayant le soutien et la confiance de leur employeur, ils ont pu installer leur atelier dans les locaux de Physipro et ainsi opérer leurs activités directement auprès de leur client principal.

Des obstacles ? Quels obstacles ?

Deux ans plus tard, les partenaires se disent très heureux de voir que cette aventure porte ses fruits. De nouveaux clients font appel à leurs service, tellement qu’un déménagement vers un local plus grand est envisagé. Ils sont toujours en mode solution et leur désir d’offrir un service de qualité demeure intact.

Lorsqu’on leur demande si le fait de vivre avec un handicap a été un obstacle à leur projet, les deux hommes en ont vu d’autres. Tout leur vécu a été marqué par la mentalité et les préjugés liés à leur limitations physiques au Burkina Faso, comme ici. Certains ne comprenant pas pourquoi ils s’acharnaient à vouloir travailler ; d’autres ne voyant que leurs chaises roulantes et non leurs connaissances ou leurs autres capacités.

Sans nier leur fierté d’avoir réussi à bâtir leur entreprise, MM. Soulama et Zongo veulent surtout démontrer qu’ils sont le parfait exemple que chacun peut s’accomplir lorsqu’une chance lui est donnée. Ils accueillent d’ailleurs l’idée d’avoir d’autres personnes vivant avec un handicap à leur emploi.

« Le monde refuse parfois d’accepter notre réalité en jouant l’ignorance et en refusant de voir ce que tu es devenu. Il veut que tu sois comme il te perçoit. C’est ce côté non-dit et non visible qu’on combat et on travaille pour prouver le contraire. Et ça, c’est un combat permanant pour nous », insiste Basile.

La suite est prometteuse pour Zs Solution Assemblage et leurs instigateurs. Tellement qu’ils ont attiré l’attention de producteurs de la chaîne AMI-télé, qui ont dépêché une équipe de tournage afin de faire un portrait du dynamique duo. Ils espèrent que cette visibilité en inspirera d’autres à oser et se faire confiance.

« Nous, on a tout ce qu’il faut pour être bloqués. Notre handicap est visible, mais tout le monde en a un, qui lui est invisible. Là où sont tes limitations, c’est ça ton handicap, mais tu peux t’en servir pour être différent et contribuer à ta façon », de conclure Basile avec philosophie.

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