Enlever l’étiquette des enfants de la DPJ
TÉMOIGNAGE. La Fondation du Centre jeunesse de l’Estrie (CJE) a lancé la campagne « Enlève ton étiquette », qui s’échelonne du 20 novembre jusqu’au 20 décembre, et qui vise à sensibiliser la population contre la stigmatisation sur les jeunes de la DPJ et leurs intervenants.
Ayant elle-même grandi dans le milieu de la DPJ de ses 18 mois jusqu’à sa majorité, Alexandra Goulet, la nouvelle directrice générale de la Fondation du CJE, a mis en place ce projet en s’appuyant sur son vécu personnel et professionnel.
« Ce poste à la Fondation m’a permis d’avoir des témoignages avec des jeunes de la DPJ et échanger avec eux. Je me suis vraiment rendu compte qu’ils vivent la même stigmatisation et les mêmes préjugés que je vivais il y a 30 ans. Ça m’a beaucoup interpelée, il fallait faire quelque chose », exprime la directrice générale en précisant que c’est ce constat qui a poussé la création du mouvement.
Elle voit le poste qu’elle occupe depuis mars dernier comme une occasion de « redonner tout l’amour et le bien qu’elle a reçus » par les services de la DPJ et de sa famille d’accueil.
Alexandra a eu la chance d’avoir « une bonne famille d’accueil » dès le départ, même si à l’adolescence elle a changé quelques fois de foyers volontairement.
« Elle m’a vraiment élevée comme sa propre fille tout en respectant ma mère biologique. J’ai eu la chance d’avoir beaucoup d’amour et de la bienveillance. En même temps, ma situation familiale m’a permis de ne pas stigmatiser les gens du système », raconte la femme de 34 ans.
L’étiquette de « criminel »
Autant à l’âge adulte qu’à l’enfance, le préjugé qui revient le plus souvent est celui « d’être criminel », selon la directrice générale. « Parce que j’ai l’étiquette de la DPJ, j’ai souvent eu la sensation que j’avais forcément fait quelque chose de grave aux yeux des autres et que j’étais quelqu’un de mauvais pour me retrouver dans cette situation », indique-t-elle.
« Quand tu creuses un peu, ça peut venir du parent qui dit « si tu n’écoutes pas la consigne, je vais appeler la DPJ ». Ce n’est pas méchant, c’est juste qu’inconsciemment, ce réflexe de dire cette phrase-là pour s’assurer qu’un enfant écoute encourage cette idée », raconte Alexandra, en précisant que cette image négative est souvent créée par la télé, les films et par les histoires qu’on voit dans les médias.
Par l’influence de sa famille biologique, elle avait une perception négative des travailleurs sociaux et de la DPJ. « Après avoir parlé de ta situation une ou deux fois à l’école, tu vois que tu te fais intimider et que les gens te traitent différemment, tu es convaincue que la DPJ c’est mal. C’est pour ça qu’il faut sensibiliser nos jeunes le plus possible et déconstruire ces préjugés », explique-t-elle.
C’est après un long cheminement qu’aujourd’hui Alexandra ne ressent plus cette « sensation ».
Elle souhaite que la société devienne plus consciente, et que les jeunes soient outillés plus tôt. « Ça m’a pris du temps à comprendre que les péripéties de ma vie ne me définissent pas, et la raison qui a poussé mon placement ne m’appartient pas. J’ai 34 ans et c’est nouveau que je sois capable d’en parler et que j’ai la tête haute face à tout ça », conclut Mme Goulet.