Le Prince : Entre satire et constats

L’auteur original de l’ouvrage aurait sans doute eu quelques éclats de rire s’il avait assisté à l’interprétation déjantée de son traité politique Le Prince. Le Théâtre du Double Signe frappe un grand coup avec sa propre relecture, une adaptation que Machiavel aurait sans doute appréciée.

Cette coproduction entre la troupe sherbrookoise et le Théâtre Denise Pelletier, pose, avec humour et acuité, un regard cinglant sur la société, son rapport au pouvoir et la manipulation des masses. Le texte d’Olivier Morin et Guillaume Tremblay (Théâtre du futur), fait écho à notre époque où la relation entre la sphère politique et les entreprises milliardaires est de plus en plus imbriquée.

Dans un futur lointain, les humains ont pratiquement déserté une planète Terre devenue inhabitable, leurs descendants vivant désormais à bord de Globotrons, gigantesques vaisseaux-entreprises à l’effigie des Couche-Tard, Yoplait et Québécor.

Qui contrôle quoi finalement ?

Le Prince (Olivier Morin), doit prendre la tête du Globotron Midi-Six à la suite du décès de son père Lorenzo (Stéphane Crête), gouvernant froid et sans scrupules. Or ce dernier est artificiellement maintenu « en vie » grâce à la technologie.

La fidèle et forte Catalina (Ann-Catherine Choquette), est l’employée sur qui repose le bon fonctionnement de la station spatiale. Celle-ci fait de son mieux pour que les choses continuent à tourner rondement alors que, de toute évidence, le Prince n’a aucune idée de l’importance du rôle qu’il s’apprête à assumer.

Il ne sait pas non plus que son empire familial est ardemment convoité par Nikole (Marie-Claude Guérin), la vorace PDG du Dollarama, prête à tout pour prendre le contrôle de l’ensemble des Globotrons. Elle fait une entrée fracassante en compagnie de son mystérieux conseiller Mike-Jiavel (Guillaume Tremblay).

L’homme, mêlant connaissances, persuasion et séduction, tente d’utiliser ses qualités pour manipuler et diriger les destinés de ceux et celles qui sont en position d’autorité.

Les actions et calculs de Mike provoqueront alors, des luttes de pouvoir, où trahison et allégeances teinteront à tour de rôle, le rapport de force entre les personnages.

Entre pouvoir et drôlerie

« L’Histoire nous a appris à nous méfier de ceux et celles qui nous dirigent. Est-ce qu’ils travaillent sincèrement pour le bien commun ?  À leur propre intérêt ? Entre altruisme, égoïsme et omnipotence, le peuple joue bien souvent à la courte paille », de commenter les co-auteurs et comédiens de la pièce, Guillaume Tremblay et Olivier Morin.

Étant également le metteur en scène du Prince, M. Morin a réussi à imposer un rythme soutenu et des moments d’éclat faisant briller chaque interprète. Les phrases percutantes et les clins d’œil miroitant les travers de notre époque sont juste assez appuyés pour faire mouche auprès du public.

La scénographie, composée par Odile Gamache et soutenue par les éclairages de Marie-Aube Saint-Amant Duplessis est ingénieuse et efficace. Et que dire des costumes démesurés et clinquants, rappelant les séries télé futuristes des années 1970.

Tout est en place pour 1h40 de pur plaisir et d’introspection sur notre compréhension des jeux de pouvoir, choses que beaucoup de nos dirigeants maîtrisent, pour le meilleur ou pour le pire.

La pièce est présenté au Grand Espace du Centre des arts de la scène Jean-Besré (CAJB), jusqu’au 25 octobre.