Les Ateliers Dufferin à l’aube d’une transition

ARTS-VISUELS. Deborah Davis n’est pas le portrait type d’une artiste torturée et solitaire. Elle a toujours apprécié avoir des collègues avec qui partager un espace de création, mais aussi des idées. Après le démantèlement de La Fabrique, une coopérative installée dans des locaux rue Marquette, celle-ci était à la recherche d’un nouveau lieu où travailler sur ses œuvres.

Passant devant la vitrine d’un local vide de la rue Dufferin, l’artiste venait de trouver l’endroit parfait pour y installer l’atelier collectif qu’elle avait en tête. Facile d’accès et directement en face de l’institution muséale reconnaissable d’entre toutes : le Musée des Beaux-arts de Sherbrooke.

« Quand j’ai vu l’intérieur, je savais que j’avais le spot. De fil en aiguille,  le projet s’est construit de façon organique. Je portais toujours l’aspect collectif avec l’idée d’offrir des espaces à des locataires. Je n’avais pas de modèle d’affaire et je dois avouer que ce projet a justement fonctionné parce que je n’était pas très bonne pour compter ! », dit-elle avec le recul.

Quelques mois plus tard, en pleine pandémie, naissaient Les Ateliers Duffrin. L’endroit est empreint de simplicité mais ses murs regorgent de gravures et tableaux de toutes sortes, d’expériences aux milles couleurs et de projets en suspend. Des presses manuelles et des tables remplies de pinceaux et de tubes de couleurs occupent une bonne partie de l’espace. Plusieurs artistes spécialisés en gravure et impression y ont maintenant élu domicile.

Depuis son ouverture des ateliers destinés à démocratiser cet art visuel sont offerts au public. La popularité de ceux-ci n’a fait que croître au fil des mois, grâce à la rumeur favorable et le bouche à oreille. La visibilité et le succès auprès des artistes en herbe est d’ailleurs ce dont l’initiatrice du projet est le plus fière.

La dernière année s’est avérée plus difficile pour Deborah Davis. Son corps a commencé à lui envoyer des signaux d’alarme ; grande fatigue, douleurs et inflammation. Elle a dû ralentir ses activités de façon significative pendant près de 18 mois, ce qui lui a permit de réfléchir à la suite de choses sur son implication dans l’aventure.

« Je me rends compte aujourd’hui que je suis vraiment plus une développeuse qu’une gestionnaire ; c’est juste pas pour moi. Je ne veux pas être celle qui transforme l’atelier en une OBNL, parce que ça implique de passer par un processus administratif pour lequel je n’ai pas les connaissances et l’énergie », explique l’artiste.

SE CHOISIR ET PASSER LE FLAMBEAU

Mme Davis a donc entamé des démarches pour trouver un ou des repreneurs. La tâche n’est pas mince puisque cela exige de nombreuses démarches, des appels et le dépôt d’états financiers, entre autres. Elle espère toujours que des intervenants du milieu culturel sherbrookois interviendront pour conserver ce lieu de production artistique unique en Estrie.

Les prochains mois seront déterminants pour l’avenir des Ateliers Duffrin, mais l’artiste se dit en paix avec sa décision, même si se conclut par un démantèlement. « On est à l’an 3 du projet et le réel succès que je vois, c’est que ça a ouvert des portes à plusieurs artistes. On a eu une exposition au musée des Beaux-arts, et pour plusieurs d’entre eux, c’était la première fois que le public voyait leurs œuvres », dit-elle avec satisfaction.

« C’est avec un sentiment de légèreté et du devoir accompli que je vais laisser ma place. J’ai été jusqu’au bout de ce que je pouvais donner à ce beau projet », conclut une Deborah Davis, impatiente de se consacrer de nouveau entièrement à son art.