Quitter le « mode survie » en apprenant le français

FRANCISATION. Apprendre le français était une priorité pour Ali Reza Tabatabaei lorsqu’il est arrivé au Québec. Un an et demi après avoir commencé son cours de francisation, il entretient une conversation dans un français impeccable, mais surtout, il souhaite retourner sur les bancs d’école pour devenir infirmier.

D’origine afghane, Ali a été contraint de quitter l’Iran, le pays où il est né, avec sa famille en raison des conflits armés. Parmi les premières difficultés auxquelles il a été confrontées, il y avait la barrière de la langue, même s’il parle bien anglais.

« Dès mon arrivée ici, j’ai compris que le français avait une grande importance. À l’aéroport, tout le monde parlait français. J’ai trouvé que c’était difficile de parler seulement en anglais, mais j’aime beaucoup apprendre de nouvelles langues. C’est un gros avantage de parler les deux langues », mentionne-t-il.

Concernant ses études, il a toujours rêvé de devenir infirmier en Iran et constate que les perspectives pour y parvenir sont bonnes au Québec.

Pour l’un des enseignants en francisation du Centre Saint-Michel, Alex Lepage, les difficultés pour ses étudiants sont nombreuses. Ils arrivent avec « des réalités et un passé chargé ». Il affirme qu’ils sont souvent désorientés, notamment en raison de leurs parcours migratoires, et constate qu’ils ne sont pas tous prêts à apprendre une nouvelle langue.

« Ils sont en mode survie, ils veulent communiquer et s’intégrer à la société. Même aller à l’épicerie est un gros défi. On parle vite, ils sont perdus, ils doivent s’adapter à l’hiver, trouver un appartement, créer des liens, trouver un emploi, etc. », explique M. Lepage.

Ali se souvient d’une interaction avec une bibliothécaire, alors qu’il en était encore à ses premiers mois d’apprentissage.

« Je ne parlais pas très bien français encore, mais j’essayais de me faire comprendre. J’ai finalement dû parler en anglais. Deux mois plus tard, je suis retourné la voir et nous avons pu discuter normalement, ce qui l’a surprise et impressionnée par ma progression », explique-t-il.

Pour sa part, le directeur adjoint du Centre Saint-Michel, Jean-François Nadeau assure que le nouveau modèle de Francisation Québec fonctionne bien.

« On accueille entre 450 à 550 étudiants par session. La réponse est donc très bonne, on est en augmentation constante cette année. »

Prendre le temps

Alex Lepage renchéri en mentionnant qu’il faut quelques mois pour que les étudiants commencent à se sentir à l’aise, bien que toutes les situations ne soient pas similaires.

« Pour sortir du mode survie et être suffisamment à l’aise, je dirais qu’il faut une trentaine de semaines. Après quelques mois, nous faisons des activités comme aller à l’épicerie. Nous utilisons beaucoup de situations de la vie quotidienne comme aller à la banque, chez le médecin, à la pharmacie pour les habituer », mentionne le professeur.

Ali est fier de sa famille, qui elle aussi, tente tant bien que mal d’apprendre le français.

« Ma sœur de 15 ans aime apprendre les langues et est au secondaire. Pour elle, ça a été facile d’apprendre parce qu’elle est très sociable et aime parler avec les autres. Pour mes parents, c’est plus difficile. Ils ne parlaient pas anglais non plus. Mon père a commencé à apprendre le français à temps partiel parce qu’il travaille en même temps. Il a une famille à nourrir, donc il se concentre sur son travail. Il essaie, cela prendra peut-être plus de temps, mais je sais qu’un jour il y arrivera », dit-il avec optimisme.

En ce qui concerne l’enseignement de la langue française, Alex Lepage assure que c’est tout un défi. « On y va doucement avec beaucoup d’images, de gestes et de mimes. Notre objectif est qu’ils soient capables de communiquer et de comprendre », indique-t-il.

Pour lui, l’important est de faire progresser les étudiants à leur rythme. « Nous pratiquons beaucoup la différenciation pédagogique, ce qui signifie que je n’aurai pas les mêmes attentes pour chacun de mes étudiants, car certains partent de plus loin. Nous établissons rapidement une connexion avec eux, car nous sommes le premier contact. Nous sommes capables de distinguer leurs forces et leurs faiblesses », conclut M. Lepage.