Serge Malenfant, le trompe-l’œil de Sherbrooke

ART. Derrière chaque murale à Sherbrooke se trouve une équipe, mais surtout, Serge Malenfant, le muraliste et fondateur de MURIRS, qui s’est donné corps et âme durant plus de 20 ans pour faire vivre le centre-ville et les environs d’une manière audacieuse et historique.

Rencontré dans un petit café de Sherbrooke, Serge Malenfant, maintenant à la retraite, a toujours la même flamme lorsqu’il parle de ce projet, qui a pris une ampleur bien plus importante qu’il le croyait. 

«C’est le plus gros projet de ma vie. Je suis fier des accomplissements de l’équipe. Ce n’est pas rien, on peut se vanter d’avoir le seul projet d’art mural trompe-l’œil en Amérique, a-t-il dit. Au début, on a dû convaincre la Ville de Sherbrooke d’investir dans ce projet. Au final,  on en a quand même fait 18. Sans compter les projets privés comme la murale au Palais des sports Léopold-Drolet », mentionne-t-il.

M. Malenfant se souvient de sa rencontre avec l’ancien maire, Jean Perreault, alors que le projet était encore à ses balbutiements. 

«J’étais allé le voir pour lui présenter le projet dans le cadre du bicentenaire. J’avais dit à M. Perreault  »regardez par la fenêtre, en pointant au loin, il y a une place publique. Tout ce qu’il a sur la place Dufferin, c’est des poubelles. Il n’y a personne. Laissez-nous faire ce que l’on veut et vous verrez qu’il y aura du monde ». On l’a convaincus et on a mis sur pied la première murale.»

Étant une forme d’art non reconnu, il était difficile d’avoir du financement au début selon M. Malenfant.

«On n’avait accès à rien, on ne cadrait dans aucun programme. On était comme partout et nulle part à la fois. On devait donc trouver une solution. C’est à ce moment qu’on a changé la mission passant du culturel au tourisme », explique-t-il. 

M. Malenfant est content que les murales soient encore l’attraction touristique la plus populaire au Bureau d’information touristique de Sherbrooke. 

«Elles sont très en demande encore, même 20 ans plus tard. Elles vont disparaître éventuellement lorsque certains bâtiments seront détruits. Déjà 20 ans plus tard, elles sont encore là. Si on les entretient bien, ça peut durer encore quelques années.» 

Parmi les anecdotes entourant les murales, M. Malenfant se souvient d’une en particulière. En 2006, ils ont inauguré celle sur la rue Frontenac devant le Musée de la Science et de la nature et une résidence pour personnes âgées. 

«Un jour, j’ai reçu une lettre. Dans cette dernière, une dame m’explique que sa mère venait d’être placée, elle n’allait pas très bien, elle ne mangeait plus beaucoup, elle était toujours enfermée dans sa chambre, les rideaux fermés. Un jour, elle sort dehors parce qu’elle entend du bruit. C’était nous qui arrivions avec les structures d’échafaudage. Elle était un peu découragée parce qu’elle ne voulait pas être dérangée par un chantier. Finalement, on est arrivé et on a commencé à peindre en chantant et en se racontant des histoires. Dans la lettre, on a appris qu’elle avait retrouvé le sourire.» 

Un livre est en rédaction 

Serge Malenfant a bien l’intention de tout faire afin de garder une trace tangible des murales. Il souhaite offrir un leg aux Sherbrookois en écrivant un livre retraçant l’histoire des murales à travers les époques et les techniques utilisées pour les peindre. La rédaction est entamée et très avancée. M. Malenfant explique qu’il attend que la Ville de Sherbrooke se prononce sur la question.

«Ça fait au moins trois ans qu’on travaille sur ça. C’est vraiment important de laisser une trace parce qu’on ne sait jamais combien de temps elles resteront. Certaines pourraient disparaître dans 5, 10 ou même 50 ans. On ne sait pas. L’important est de pouvoir laisser un leg, un souvenir que certains murs à Sherbrooke ont déjà pris vie. Ça va permettre d’identifier qui est qui sur les murales et laisser un leg culturel», termine-t-il.